Tchernobyl: Évaluation de l’impact radiologique et sanitaire
Mise à jour 2002 de Tchernobyl : Dix ans déjà

Avant-propos

Plusieurs années après l'accident survenu à la centrale de Three Mile Island aux États-Unis, l'accident de Tchernobyl en 1986 a entièrement modifié la façon dont le public perçoit les risques nucléaires. Alors que le premier accident avait incité à élaborer de nouveaux programmes de recherche sur la sûreté nucléaire, le second avec son lourd tribut en vies humaines et la dispersion d'une grande partie du cœur du réacteur dans l'environnement, a soulevé de nombreux problèmes de  »gestion  », liés non seulement au traitement des personnes gravement exposées, mais aussi aux décisions qui ont dû être prises concernant la population. Manifestement, les autorités nationales de l'Union soviétique, mais plus généralement les autorités de beaucoup d'autres pays affectés, n'étaient pas prêtes à gérer un accident dont les conséquences ne se limitaient pas à leur territoire.

Le mode de gestion de cet accident et le manque d'informations ont suscité, dans l'esprit du public, un sentiment de méfiance qui a été renforcé par le fait, d'une part, que les rayonnements ne peuvent être perçus par les êtres humains, bien qu'ils soient facilement décelables au moyen de détecteurs électroniques, même à un très faible niveau. La perspective d'une contamination des denrées alimentaires, aggravée par des recommandations ambiguës, voire contradictoires, des autorités nationales, a donné lieu à diverses réactions, parfois excessives, dans la gestion des conséquences de l'accident dans plusieurs pays européens. Dans le pays même de l'accident, où les conditions politiques, sociales et économiques se dégradaient, le parallèle qui a été établi entre le régime soviétique et les activités nucléaires a aussi contribué à susciter des sentiments de méfiance à l'égard des pouvoirs publics.

Plus de seize ans après sa survenue, l'accident de Tchernobyl demeure une source de préoccupation sérieuse pour le public malgré la quantité considérable d'informations diffusées par les autorités nationales et de grandes organisations internationales, la multitude de communications scientifiques parues dans la presse spécialisée et les très nombreux colloques consacrés à cet accident. Les mêmes questions continuent à être posées, cependant que le grand public, les médias et parfois les hommes politiques en cause éprouvent toujours

autant de difficultés à comprendre les informations fournies par la communauté scientifique.

L'opinion publique dans l'ex-Union soviétique et dans de nombreux autres pays touchés par l'accident reste convaincue que certains cancers, comme ceux de la thyroïde, ne peuvent s'expliquer que par l'accident de Tchernobyl. Cette opinion est partiellement étayée par les statistiques montrant que la fréquence de ces cancers a augmenté dans les pays européens. Bien que cette augmentation ne puisse être attribuée à l'accident car elle a débuté et a été enregistrée bien avant qu'il ne survienne, les médecins ont encore des difficultés à rassurer les patients à cet égard. Étant donné que l'augmentation du nombre des cancers de la thyroïde chez l'enfant qui a été constatée principalement en Belarus, a commencé à poindre au début des années 1990, beaucoup d'experts ont été surpris par cette apparition  »précoce  »du cancer de la thyroïde et par sa distribution géographique à l'intérieur des territoires affectés. Cette situation a encore accru le scepticisme du public à l'égard de la communauté scientifique.

Les médias ont parfois diffusé des images de difformités affectant des êtres humains et des animaux sans s'interroger sur la relation qu'elles pouvaient avoir avec l'accident et le public, frappé par ces images, a pu ainsi, faute d'un éclairage contradictoire, en imputer la responsabilité à Tchernobyl. Dans ce cas également, l'accident a donné lieu à de nombreuses études montrant que ces difformités et maladies ne sont pas liées à l'exposition aux rayonnements. Toutefois, ces conclusions n'ont pas été effectivement transmises aux décideurs ou au public. Par contre, aucune contamination catastrophique du Dniepr, et sa propagation à la Méditerranée, ne s'est produite comme beaucoup le craignaient. Le coefficient de rétention des radionucléides dans le sol a été élevé et toute contamination résiduelle observée se situe largement en deçà des prévisions initiales. Mieux vaut qu'il en soit ainsi.

Dans ce contexte d'inquiétude de la société civile, l'AEN a constaté que le document de loin le plus consulté sur son site web est celui concernant l'impact de l'accident de Tchernobyl qui a été rédigé en 1996. C'est la raison pour laquelle, compte tenu des informations plus récentes dont on dispose actuellement, notamment le nouveau rapport du Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) publié en 2000, le moment était venu de mettre à jour le rapport intitulé Tchernobyl : Dix ans déjà. Plusieurs données numériques ont été modifiées à la suite des nombreuses études, de plus en plus détaillées, effectuées ces dernières années. La liste des références bibliographiques a également été actualisée ; elle s'est allongée de 25 pour cent par rapport à la précédente édition. En outre, l'AEN a souhaité également aborder les questions soulevées par plusieurs rapports qui

ont été diffusés à l'occasion du dixième anniversaire de l'accident ou aussitôt après. Parmi ces rapports figurent celui de l'UNSCEAR et celui établi par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur l'état de l'environnement qui ont, dans une large mesure, servi de modèle au présent rapport.

Ce rapport fait le point des connaissances acquises depuis l'accident, qui ont évolué de façon progressive. La contamination de l'environnement, qui semblait régresser relativement rapidement, a atteint un équilibre écologique et, dans certains secteurs délimités, s'est même accrue en raison d'une reconcentration et d'une stabilisation de 137Cs, seul radionucléide qui subsiste dans les différents segments du sol intervenant dans les transferts par la chaîne alimentaire. Ce processus est parvenu à son terme et désormais, là où la contamination persiste, seule la décroissance radioactive du césium réduira les incidences de l'accident.

Les efforts considérables déployés par la communauté internationale en vue de mieux comprendre l'impact réel de Tchernobyl se poursuivent et devraient, au cours des dix prochaines années, permettre d'élucider les principales conséquences de cet accident. Les grandes tendances décrites en 1996 restent valables en 2002 : le cancer de la thyroïde chez l'enfant demeure la seule manifestation frappante de l'accident en ce qui concerne le public. En revanche, la progression notable des cas de leucémie, qui avait été tellement redoutée, ne s'est pas concrétisée.

L'expérience de Tchernobyl a été à l'origine de nombreuses améliorations dans la protection contre les rayonnements et dans les plans d'intervention en cas d'urgence, et il a été également possible de parvenir à une évaluation plus précise de l'impact de cet accident. Sous l'égide du Comité de protection radiologique et de santé publique (CRPPH) de l'AEN, appuyé par d'autres organismes internationaux, le progrès le plus remarquable accompli depuis l'accident de Tchernobyl tient aux enseignements qui ont été tirés au sujet des communications et de la coopération en cas d'urgence nucléaire, ainsi qu'en témoignent les Exercices internationaux d'application des plans d'urgence en cas d'accident nucléaire (INEX). Les pouvoirs publics, qui hésitaient au départ à discuter publiquement des questions relatives à la préparation et à la gestion des plans en cas d'urgence nucléaire, sollicitent maintenant la réalisation de tels exercices, les exploitants n'hésitent plus à offrir leur site à cet effet et les autorités locales invitent volontiers les participants en cause à paraître devant les médias. Cela montre les progrès accomplis dans le domaine de la communication et de la participation de tous les partenaires sociaux. Un progrès encore plus spectaculaire concerne la distribution d'iode au voisinage des centrales nucléaires, sujet qui était plus ou moins tabou avant l'accident. L'AEN a organisé un colloque international sur ce thème qui est aujourd'hui publiquement débattu.

Dans ce cas également, le CRPPH a joué un rôle pilote et novateur, en soulignant combien il importe d'associer tous les acteurs de la société civile. Cette idée, qui est née dans le contexte de la gestion des accidents, a été reprise dans de nombreuses autres disciplines, notamment la gestion des déchets nucléaires. Ce point fondamental constitue aussi l'un des enseignements positifs tirés de l'accident.

L'accident a été suivi de nombreux programmes d'aide et de recherche étayés par des organisations internationales et des accords bilatéraux. Toutes ces organisations publient ou publieront leurs résultats. Le présent rapport diffère des autres documents sur le même thème en ce sens qu'il donne un aperçu synthétique des points d'accord à l'intention des personnes qui souhaitent connaître les traits marquants sans entrer dans les détails techniques que l'on trouve ailleurs.

Nous remercions toutes les organisations (AIEA, UNSCEAR, FAO, OMS, CE, entre autres) qui ont mis des informations à notre disposition pour que ce rapport puisse être aussi à jour que possible. Le rapport initial, intitulé Tchernobyl : Dix ans déjà, a été rédigé par M. Peter Waight (Canada), sous la direction d'un comité de rédaction présidé par M. Henri Métivier (France).

La présente édition a été préparée par M. Henri Métivier (France), à la demande du CRPPH.

 

 

Synthèse

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